2022
1er décembre | Atkinson et al.,Absence de nécessité de prévention contre le Pneumocystis jirovecii chez les adultes vivant avec le VIH | |
La pneumonie causée par le champignon Pneumocystis jirovecii (PcP) est l'une des infections les plus fréquentes chez les patient.e.s vivant avec un HIV non traité, présentant une déficience immunitaire grave (cellules CD4 basses). Cette pneumonie doit être traitée pendant trois semaines avec de fortes doses d'antibiotiques. A l'arrêt du traitement, cette infection peut réapparaître tant que le système immunitaire est affaibli. C'est pourquoi, selon les recommandations actuelles, une prévention (prophylaxie) avec un antibiotique doit être prise trois fois par semaine après le traitement de la pneumonie et ce jusqu'à ce que, sous traitement antirétroviral, les CD4 soient passés au-dessus de 200 cellules/µL. Cela peut durer de plusieurs mois à plusieurs années. Une étude menée dans le cadre de l'Etude suisse de cohorte VIH (SHCS) et de différentes autres cohortes européennes a montré que cette prophylaxie antibiotique pourrait être arrêtée dès que les CD4 dépassent 100 cellules/µL et que la charge virale est indétectable, sous traitement antirétroviral. A partir de ce moment, le risque de récidive d’une pneumonie à Pneumocystis semble extrêmement faible. Ces données permettraient donc de raccourcir la durée de la prévention par antibiotique da manière importante et réduire ainsi le nombre de comprimés pris par les patients et patientes. |
9 novembre | Kusejko et al., Effet durable sur l'élimination de l'hépatite C | |
En 2016, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié sa première stratégie globale pour l'élimination de l'hépatite C. Le plan d'action de l'OMS comprend notamment des programmes dits de « micro-élimination » pour les groupes de personnes particulièrement touchées par l'épidémie d'hépatite C. L'un de ces groupes est constitué par les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et qui sont infectés par le VIH. L'étude suisse de cohorte VIH (SHCS) a mené, entre 2015 et 2017, un programme d'élimination de l'hépatite C dans le but de réduire les nouvelles infections et la fréquence de l'hépatite C chez les HSH dans la SHCS. Ce programme, appelé Swiss HCVree, a entraîné une baisse remarquable de la fréquence de l'hépatite C (4,8% en 2015 contre 1,2% en 2017) et des nouvelles infections (0,53/100 personnes-années en 2015 contre 0,31/100 personnes-années en 2017). Cela correspond à une diminution de 77% des nouvelles infections (incidence) et de 91% de la fréquence (prévalence). Cependant, le succès à plus long terme de cette étude devait encore être examiné et était au centre de l'étude actuelle. Afin d’évaluer l’impact à distance du programme d’élimination, les chercheurs et chercheuses ont effectué un nouveau dépistage systématique et rétrospectif de l'hépatite C chez les patients HSH de la SHCS. Ils ont testé des échantillons de sang congelés, prélevés en 2019, de 4’641 HSH pour détecter une hépatite C active. Au total, 28 échantillons de sang sur 4’641 (0,6%) avaient une infection active par l'hépatite C, dont seulement 11 nouvelles infections et 17 déjà connues auparavant. Ce programme national d’élimination de l’hépatite C montre donc un effet durable avec une nouvelle réduction de 48% de l’incidence de l’hépatite C depuis la fin du programme HCVree, associée à une nouvelle réduction de 39% de l’incidence passant de 0.31/100 personnes-années à 0,19/100 personnes-années en 2019. En résumé, le programme de dépistage systématique de l’hépatite C (Swiss HCVfree), conduit entre 2015 et 2017, a réussi à endiguer l’épidémie d’hépatite C chez les HSH de la SHCS, montrant donc un impact durable à deux ans de ce programme national. |
14 septembre | Engel et al., Longueur des télomères et risque d'infarctus du myocarde chez les personnes vivant avec le VIH | |
De nos jours, grâce à un traitement antirétroviral efficace, l’espérance de vie des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) se rapproche de plus en plus de celle de la population générale. Cependant, le risque de maladies liées à l'âge telles que les accidents vasculaires cérébraux (AVC), le diabète, l'ostéoporose et les maladies coronariennes semble toutefois plus élevé. Les télomères (un composant de nos chromosomes) se raccourcissent naturellement au cours de la vie et semblent ainsi être un marqueur biologique du processus de vieillissement. Dans la population générale, il est démontré qu’une longueur de télomère plus courte augmente le risque d'infarctus du myocarde. Les PVVIH pourraient avoir des télomères plus courts que les personnes non infectées dû à une susceptibilité de ceux-ci d'être raccourcis au début de l’infection par le VIH, en raison du stress important subi par le système immunitaire. Quelques données montrent cependant qu'un traitement antirétroviral efficace ralentit ce processus de raccourcissement. Une étude suisse publiée récemment a étudié l’association entre les télomères courts et une augmentation du risque d'infarctus du myocarde chez les PVVIH, indépendamment des facteurs de risque cardiovasculaire tels que le tabagisme, la pression artérielle, le cholestérol, etc. Pour ce faire, la longueur des télomères a été mesurée chez un total de 1’078 personnes issues de l'Etude suisse de cohorte VIH (SHCS). 333 personnes avec un antécédent d’infarctus du myocarde et 745 sans antécédent d’infarctus ont ainsi été comparées. Les résultats de cette étude suggèrent que les personnes ayant les télomères les plus longs avaient un risque d'infarctus du myocarde deux fois moins élevé que les personnes ayant les télomères les plus courts, indépendamment des facteurs de risque cardio-vasculaires. Par ailleurs, le tabagisme et un taux de cholestérol élevé augmentaient également le risque d'infarctus d'environ deux fois. En résumé, cette étude montre qu’il existe une association indépendante entre la longueur des télomères et le risque d’infarctus du myocarde. La longueur des télomères pourrait donc être utilisée pour stratifier le risque d’un évènement cardio-vasculaire chez les patients vivant avec le VIH afin d’optimiser le choix du traitement antirétroviral et la prise en charge des facteurs de risque. |
20 juillet | Deutschmann et al., Fréquence des interactions médicamenteuses chez les personnes vivant avec le VIH dans la SHCS | |
Nous avons démontré dans une précédente étude de l’Etude Suisse de cohorte VIH (SHCS) que la fréquence des interactions médicamenteuses avec les traitements antirétroviraux est élevée. L’étude avait été réalisée en 2008 lorsque les inhibiteurs de la protéase, l’éfavirenz et la névirapine étaient parmi les traitements de première ligne. Ces médicaments antirétroviraux ont un fort potentiel d’interactions médicamenteuses en raison de leur propriétés inhibitrices (réduction de l’activité) ou inductrices (augmentation de l’activité) des enzymes qui métabolisent les médicaments. Les traitements antirétroviraux ont considérablement évolué au cours de ces dernières années avec la mise sur le marché des inhibiteurs de l’intégrase non boostés (non renforcés pharmacologiquement) qui font partie aujourd’hui des traitements de première ligne et qui présentent l’avantage d’avoir un faible risque d’interactions médicamenteuses. Le but de cette étude était d’évaluer la fréquence des interactions médicamenteuses en 2018, à l’ère des inhibiteurs de l’intégrase, et de la comparer avec notre précédente étude réalisée en 2008. Cette étude observationnelle a inclus 9’298 participants, pour la plupart des hommes (72%) avec un âge moyen de 51 ans. Les inhibiteurs de l’intégrase non boostés étaient utilisés chez 40% des participants, alors que 60% recevaient des traitements antirétroviraux susceptibles de causer des interactions médicamenteuses. En considérant l’ensemble des participants de la SHCS, 29% avaient >1 interaction potentiellement significative d’un point de vue clinique. En considérant seulement les participants recevant une co-médication (68% de l’ensemble de la SHCS), la fréquence des interactions médicamenteuses potentiellement relevantes était de 43% en 2018, alors qu’elle était de 59% en 2008. En comparaison avec 2008, un nombre moins important de participants recevaient un inhibiteur boosté de la protéase (-24%) ou un traitement incluant l’éfavirenz ou la névirapine (-13%). En revanche, l’utilisation de co-médications était plus importante en 2018, probablement lié au vieillissement de la population. Cette étude montre que la fréquence d’interactions médicamenteuses a diminué en 2018 par rapport à 2008 avec l’utilisation d’inhibiteurs de l’intégrase non boostés. Cependant la diminution s’est avérée moins importante que ce qui avait été anticipé. Cette observation s’explique par le fait qu’une large proportion des participants reçoit encore des traitements antirétroviraux susceptibles d’interagir et également par l’augmentation du nombre de co-médications en raison du vieillissement de la population. |
29 juin | Bansi-Matharu et al., Médicaments antirétroviraux modernes et prise de poids | |
La prise de poids secondaire à la prise de certains médicaments anti-VIH est actuellement un sujet très discuté dans la recherche sur le VIH. En effet, plusieurs études indiquent qu'il existe un lien entre la prise des médicaments anti-VIH ténofovir alafénamide et dolutégravir et la prise de poids. Les résultats des études menées jusqu'à présent sur ce sujet étaient toutefois difficiles à interpréter, car les études n'incluaient qu'un petit nombre de patients et étaient limitées à un seul pays. De plus, dans ces études, le ténofovir alafénamide et le dolutégravir étaient souvent utilisés simultanément, de sorte que l'effet individuel des médicaments antirétroviraux sur la dynamique du poids n'a pas pu être examiné de manière concluante. L'objectif de la présente étude était donc d'examiner l'effet individuel de différents médicaments anti-VIH, y compris le ténofovir alafénamide et le dolutégravir, sur l'indice de masse corporelle (IMC). Pour ce faire, les données de l'International Cohort Consortium of Infectious Diseases (RESPOND) ont été évaluées. RESPOND est une collaboration multi-cohorte qui comprend les données de 17 cohortes et de plus de 29'000 personnes vivant avec le VIH. L'étude suisse de cohorte VIH (SHCS) fait également partie de RESPOND. Les personnes vivant avec le VIH incluses dans RESPOND depuis le 1er janvier 2012 et âgées de plus de 18 ans étaient éligibles pour l'étude. Afin de déterminer l'effet des médicaments antirétroviraux sur l'évolution du poids, l'IMC a été calculé avant le début du traitement pour chaque médicament antirétroviral, et son évolution a été analysées. Les analyses statistiques ont permis d'identifier les différents médicaments antirétroviraux associés à une augmentation de l'IMC de plus de 7% par rapport à l'IMC calculé avant le début du traitement antirétroviral. Au total, l'étude RESPOND a analysé les données de 14’703 personnes, dont 7’863 (54%) présentaient une augmentation de l'IMC de plus de 7%. Par rapport à la lamivudine, pour lequel il a été démontré qu'elle ne causait pas de prise de poids, le dolutégravir, le raltégravir et le ténofovir alafénamide était significativement associé à une augmentation de l'IMC de plus de 7%, tout comme un IMC bas avant le début du traitement antirétroviral et une appartenance ethnique noire. Un nombre élevé de CD4 était associé à un risque plus faible d'augmentation de l'IMC. En outre, il s'est avéré que, par rapport à la lamivudine, le dolutégravir et le ténofovir alafénamide restaient tous deux associés à une augmentation de l'IMC de plus de 7%, même lorsque les deux substances n'étaient pas combinées. Cependant, l'augmentation de l'IMC était plus importante lorsque le dolutégravir et le ténofovir alafénamide étaient pris simultanément. En résumé, l'étude montre un lien entre la prise de dolutégravir, de ténofovir alafénamide et de raltégravir et une augmentation de l'IMC. Ce lien pourrait avoir des conséquences dans la mesure où, dans la pratique clinique quotidienne, le ténofovir alafénamide est de plus en plus utilisé à la place du ténofovir disoproxil fumarate et est souvent prescrit en association avec le dolutégravir. L'étude RESPOND a montré que le ténofovir alafénamide et le dolutégravir sont tous deux indépendamment associés à une augmentation de l'IMC, et que l'ampleur de cette augmentation est renforcée lorsque les deux médicaments sont pris simultanément. Cette prise de poids peut entraîner une résistance à l'insuline, une augmentation du taux de cholestérol et de l'hypertension, pouvant à leur tour causer des maladies cardiovasculaires. Les études futures doivent maintenant examiner si la prise de poids associée aux médicaments antirétroviraux entraîne effectivement un risque accru de maladies cardiovasculaires. Par ailleurs, des données supplémentaires sont nécessaires afin de savoir si le ténofovir alafénamide entraîne effectivement une augmentation du poids ou si son prédécesseur, le ténofovir disoproxil fumarate, présente simplement un effet de suppression du poids qui disparaît lors du passage au ténofovir alafénamide, ce qui expliquerait l'augmentation du poids. |
19 mai | Nguyen et al., Les femmes transgenres dans la SHCS: description d'un groupe de transmission du VIH à part entière | |
Le terme "trans" est souvent utilisé pour désigner des personnes qui ne s'identifient pas au sexe qui leur a été attribué à la naissance. Il peut s'agir de personnes qui ont subi des opérations de réassignation sexuelle ou des thérapies hormonales, ou qui, par ailleurs, apparaissent dans la vie sociale avec un autre sexe. Outre le terme "trans", le terme "cis" est utilisé lorsque les personnes s'identifient au sexe de naissance. De nombreuses études menées dans le monde entier, mais aussi en Suisse, ont montré une moins bonne qualité de vie et une augmentation des problèmes psychiques chez les personnes transgenres. Les femmes transgenres - c'est-à-dire les femmes qui ont été assignées au sexe masculin à la naissance - sont en outre touchées de manière disproportionnée par l'épidémie du VIH. Cette étude a tenté d'identifier et de caractériser les femmes transgenres dans l’Etude suisse de cohorte VIH (SHCS). Cette population n'ayant pas été systématiquement recensée dans la cohorte par le passé, il a fallu rechercher systématiquement la prise d'hormones, les inscriptions relatives aux examens gynécologiques ainsi que les commentaires dans le formulaire des patients. Au total, 89 femmes transgenre ont pu être identifiées dans la SHCS. Comparées aux femmes cisgenres et aux hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH), les femmes transgenres étaient plus souvent d'origine asiatique ou latino-américaine. En terme d'éducation, les femmes transgenres ressemblaient davantage aux femmes cisgenres, mais en ce qui concerne les co-infections par la syphilis, aux HSH. Les femmes transgenres faisaient plus souvent état de consommation de drogues ou de dépression que les femmes cisgenres et les HSH. En outre, les femmes transgenres ont été hospitalisées plus de deux fois plus souvent pour des problèmes de santé mentale que les femmes cisgenres et les HSH. Le réseau de transmission du VIH a été caractérisé à l'aide de séquences virales afin de mieux comprendre les voies de transmission. Dans ce réseau, les femmes transgenres étaient plus souvent dans le groupe de transmission des HSH que dans celui des femmes cisgenres, ce qui suggère un chevauchement plus important avec l'épidémie de VIH des HSH que celle des femmes cisgenres. En résumé, cette étude montre que les femmes transgenres constituent un groupe à part entière dans la SHCS. Certaines caractéristiques présentent des similitudes avec les femmes cisgenres, d'autres avec les HSH. Cela montre que les femmes transgenres devraient être analysées séparément dans les études scientifiques et ne pas être simplement regroupées avec les femmes cisgenres ou les HSH. La proportion élevée de femmes transgenres souffrant de problèmes psychiques ou consommant des drogues montre en outre qu'elles pourraient bénéficier d'offres de prévention et de santé ciblées. |
20 avril | Gilles et al., Volonté des personnes vivant avec le VIH en Suisse à participer à des essais de guérison du VIH | |
Les récents progrès réalisés dans les thérapies cellulaires et géniques contre le cancer suggèrent qu'elles représentent des stratégies plausibles pour guérir le VIH. Cependant, les risques et contraintes associés à ces thérapies nécessitent une compréhension plus approfondie des attentes de ces traitements chez les personnes vivant avec le VIH. L’objectif de cette étude fût de déterminer le ressenti des patients porteurs du VIH par rapport à ces traitements exigeants, et plus précisément, ce que représentaient pour eux la guérison, la recherche en général et les thérapies cellulaires en particulier. De plus, les chercheurs et chercheuses ont cherché à comprendre ce qui pourrait empêcher ou faciliter leur participation à ce type d’essai thérapeutique, notamment avec des thérapies cellulaires pour le VIH. Le second objectif fût de mieux comprendre quels seraient les besoins des patients lors de la participation à des essais cliniques de ce type. Afin de répondre à ces questions, ils ont réalisé des entretiens avec 15 personnes inclus dans l’Etude suisse de cohorte VIH (6 femmes et 9 hommes) et se rendant régulièrement aux consultations de l’unité VIH des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) ou du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Les entretiens se sont déroulés en 2 temps: Dans cette étude, il a été constaté que la plupart des patients avaient conscience que la guérison n'était pas garantie avec ce type de traitement, mais malgré cela, 6 des 15 ont considéré qu’ils pourraient y participer. Lors de ces entretiens, deux inquiétudes principales ont été exprimées par les participants: Il apparaît clairement que la décision de participer dépendrait finalement de leur compréhension de l'essai, de la disponibilité d'informations suffisantes et de la relation qu’ils ont avec les médecins traitants. Un dernier élément qui permettrait de faciliter la participation aux essais cliniques serait l’anticipation des conséquences de l’interruption des traitements antirétroviraux, et plus globalement les conséquences de cette interruption sur leur santé. |
23 mars | Bachmann et al., Pilotes virologiques et comportementaux de la transmission du VIH chez les HSH | |
La transmission du VIH est très hétérogène: La grande majorité des personnes vivant avec le VIH ne transmettent pas le virus à d'autres personnes, par exemple en raison d'un diagnostic précoce et d'un traitement antirétroviral efficace. D'un autre côté, certaines personnes ou groupes à risque sont responsables de manière disproportionnée de la transmission du VIH. Une prévention efficace du VIH nécessite donc de connaître les facteurs de risque de transmission active afin de pouvoir appliquer de manière ciblée des mesures de prévention éprouvées telles que la prophylaxie pré-exposition au VIH (PrEP) et la stratégie "test and treat" - c'est-à-dire "tester et traiter". Dans cette étude, une méthode phylogénétique a été utilisée pour caractériser, à partir de séquences génétiques virales anonymisées, les chaînes de transmission du VIH dans l'Etude suisse de cohorte VIH (SHCS) et notamment pour décrire leur croissance dans le temps sur une période de 10 ans. L'objectif était de distinguer les chaînes de transmission qui grandissent et celles qui ne grandissent pas. Cette approche a permis de montrer que seule une très petite partie (moins de 5%) des chaînes de transmission se développait suite à de nouvelles infections par le VIH. Le taux de croissance de ces chaînes de transmission était associé aussi bien à la fréquence des charges virales non supprimées qu'à celle des rapports sexuels non protégés et des infections de syphilis. Cependant, à la fin de la période d'observation, environ la moitié des nouvelles infections sont survenues dans des chaînes de transmission où la charge virale était supprimée chez tous les individus diagnostiqués. Cela indique que ces infections ont été causées par des personnes non encore diagnostiquées. Ces résultats prouvent le succès du "treatment as prevention" (traitement en tant que prévention) au niveau de la population et montrent que les infections par le VIH non diagnostiquées sont devenues de plus en plus importantes pour la transmission du VIH au cours des dernières années. Dans ce travail, nous avons pu identifier plusieurs chaînes de transmission qui se développent sans contenir de membres diagnostiqués avec une charge virale non supprimée. De telles chaînes de transmission pourraient fournir des indices importants pour de futures mesures de prévention. |
23 février | Stader et al., Effet du vieillissement sur les concentrations des médicaments antirétroviraux | |
L’espérance de vie des personnes vivant avec le VIH a considérablement augmenté grâce aux traitements antirétroviraux. Par conséquent, le nombre de personnes âgées vivant avec le VIH ne cesse de croitre. Les changements biologiques liés à l’âge peuvent modifier la manière dont les médicaments antirétroviraux sont transformés et éliminés cependant il existe peu de données à ce sujet puisque les personnes âgées sont généralement exclues des études cliniques. Les modèles pharmacocinétiques physiologiques (PBPK) permettent de décrire mathématiquement la manière dont les médicaments sont absorbés dans l’organisme, transformés et éliminés ainsi que les paramètres démographiques d’une population donnée. Des modèles PBPK ont été développés pour simuler les concentrations de plusieurs médicaments antirétroviraux chez les personnes âgées. La performance de nos modèles PBPK a été vérifiée en comparant les concentrations d’antirétroviraux prédites par le modèle avec celles observées chez des participants âgés de l’Etude suisse de cohorte VIH (SHCS) dans le cadre d’une étude clinique. La performance des modèles PBPK a pu être confirmée puisque les concentrations observées des antirétroviraux évalués (atazanavir/r, darunavir/r, dolutégravir, raltégravir, étravirine, rilpivirine, emtricitabine et ténofovir) se trouvaient systématiquement dans l’intervalle des concentrations prédites. Les modèles validés ont permis de démontrer que les concentrations maximales d’antirétroviraux augmentent jusqu’à 34% chez les personnes âgées par rapport à des adultes jeunes (20-24 ans). L’exposition des antirétroviraux augmente progressivement avec le vieillissement jusqu’à un maximum de 70% par rapport à des adultes jeunes. Ces changements de concentrations s’expliquent par un déclin du flux sanguin dans le foie et les reins et de la capacité des reins à éliminer les médicaments avec l’âge. Les simulations suggèrent que le vieillissement modifie modestement les concentrations des antirétroviraux. Par conséquent, un ajustement de dosage des antirétroviraux n’est pas nécessaire chez des personnes âgées en absence de maladies pouvant influencer l’élimination des médicaments comme par exemple une insuffisance rénale, cardiaque ou hépatique sévères. Les modèles indiquent également que le vieillissement impacte les concentrations des antirétroviraux de manière similaire chez les hommes et les femmes ainsi que pour différentes ethnicités. |
21 janvier | Castillo-Mancilla et al., Adhésion incomplète au traitement anti-VIH et les évènements cardiovasculaires et la mortalité | |
Grâce à l’efficacité des antirétroviraux, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ont une espérance de vie très proche de la population générale. Cependant, le risque de faire un infarctus demeure augmenté chez les PVVIH, ceci surtout chez les personnes qui ne sont pas traitées contre le VIH. Le lien entre le VIH et l’infarctus s’explique par une augmentation de l’inflammation ainsi qu’une augmentation des facteurs pro-coagulant dans le sang. Lorsqu’une PVVIH a une charge virale VIH indétectable dans le sang, ces facteurs pro-coagulant et l’inflammation diminuent et donc, le risque de faire un infarctus diminue également. Plusieurs études menées par Dr José Castillo (université du Colorado, USA) ont montré qu’une PVVIH qui n’a pas une adhésion parfaite au traitement anti-VIH aura des marqueurs d’inflammation dans le sang plus élevé qu’une PVVIH qui prend 100% de son traitement anti-VIH. A ce jour aucune étude n’avait analysé une cohorte qui récoltait des données sur l’adhésion au traitement anti-VIH, la charge virale VIH et les évènements cardiovasculaires (infarctus ou attaque cérébrale). C’est dans ce contexte, qu’une collaboration est née entre Dr Castillo et l’Etude de cohorte VIH suisse. L’étude visait à répondre à la question suivante: est-ce que l’oubli 1x/mois ou plus des médicaments anti-VIH rapportée par les PVVIH qui ont une charge virale indétectable, est associé à un risque augmenté d’infarctus ou de mortalité comparé à des PVVIH qui disent ne jamais oublier leurs médicaments (et qui ont aussi une charge virale VIH indétectable)? Entre 2003 et 2018, 6’971 PVVIH sans antécédents d’infarctus, ont débuté un traitement anti-VIH et ont pu être étudié. Parmi eux, 205 (3%) ont souffert d’un événement cardiovasculaire (infarctus ou attaque cérébrale) et 186 PVVIH sont décédées en raison d’un évènement non cardiaque. Les PVVIH qui ont oublié 1 dose ou plus par mois d’antirétroviraux n’ont pas eu un risque statistiquement plus élevé de souffrir d’un évènement cardiovasculaire (comparées aux PVVIH avec une excellente prise de leurs antirétroviraux). En revanche le risque de décès pour des raisons non cardiaques était clairement supérieur en cas de moins bonne adhésion au traitement anti-VIH. Il était de 1.4 fois supérieure chez les PVVIH qui rapportaient 1 oubli par mois et de 2.2 fois supérieure chez les PVVIH qui rapportaient 2 oublis par mois. La conclusion de cette étude est que l’adhésion au traitement anti-VIH a un rôle important non seulement pour maintenir une charge virale en-dessous du seuil de détection mais elle est aussi importante pour diminuer le risque de décès. Cette étude n’a, en revanche, pas pu prouver le risque augmenté d’infarctus en cas de moins bonne adhésion. D’autres études de plus grande taille avec un nombre plus élevés d’évènements cardiovasculaires devront être réalisées et possiblement avec une mesure de l’adhésion qui soit plus précise que l’autoévaluation par les PVVIH durant les 4 semaines qui précèdent leurs visites médicales. |